Il existait en Asie du Sud-est insulaire, sur la péninsule de Malaisie et sur les îles des Philippines auxquelles on va particulièrement s’intéresser ici, des populations indigènes aux cultures ainsi qu’aux mode de vie et d’organisation sociale variés, souvent très contrastés. Ces régions tropicales dominées par un vaste et dense couvert forestier, essentiellement constituées de zones montagneuses s’agissant de l’archipel philippin, étaient habitées par des populations animistes de chasseurs-cueilleurs, de cultivateurs sur brûlis dispersées dans les plaines ou les hautes-terres ou des pêcheurs nomades. Elles étaient habitées aussi par des populations à la démographie plus importante et l’organisation sociale plus complexe – avec des hiérarchies politiques et une organisation administrative, vivant dans des villages, etc. – et pratiquant souvent un mixte de culture sur brûlis et de riziculture irriguée, et engagées pour certaines, sur les côtes, dans le commerce maritime. Ces formes distinctes de modes de vie coexistèrent durant des centaines d’années et jusqu’au cours du 20ème siècle.
(La culture sur brûlis est basée sur le défrichage de parcelles de terrain dans la forêt, parcelles dont on brûle les végétaux taillés et les arbres abattus une fois séchés, pour cultiver ensuite la terre enrichie des cendres. Les cultivateurs y font traditionnellement pousser des patates douces, de l’igname, du taro, du riz ou encore du maïs, ainsi que des arbres fruitiers et de nombreuses plantes, pendant une ou deux années avant de défricher une autre parcelle de terrain.)
Trois cent ans de colonisation espagnole du 16ème au 19ème siècle – suivie par une colonisation américaine, de 1899 aux années 30, et japonaise ensuite, quelques années – ont entraînés des transformations importantes dans la vie de ces sociétés, directement ou indirectement, dans une région où par ailleurs des influences culturelles diverses – hindous, indonésiennes puis islamiques -, les relations d’échanges commerciales, les raids esclavagistes ou encore la domination politique de royaumes ont façonné depuis longtemps l’histoire des populations. L’emprise et le contrôle étatique accrus à l’époque contemporaine, le rapprochement et l’insertion d’une partie des activités de ces peuples indigènes dans une économie monétaire ou le développement de réseaux routiers et d’autres infrastructures, ont progressivement nivelé culturellement l’ensemble de ces sociétés. Mais cette variété persista jusqu’à la fin du vingtième siècle, avant d’être de plus en plus fortement érodée récemment par ces divers processus économiques et politique en voie d’accélération, avec des phénomènes comme le développement des industries minières ou de l’exploitation forestière dans les territoires autochtones, ou encore la conversion au christianisme ou à l’islam.

Dans un article de 1979, l’ethnologue William Henry Scott a proposé pour les Philippines une classification de ces sociétés pour lesquelles les connaissances historiques remontent à l’époque préhispanique. Cette typologie devenue classique, valide dans ses grandes lignes, se fonde sur le critère de l’existence ou non chez elles de « classe » ou de « stratification sociale », puis des caractéristiques de ces élites ou classes dominantes éventuelles, et dégage quatre grands types distinctes :
1) Ces zones forestières et montagnardes abritaient en effet une gamme différenciée de sociétés à commencer par des « sociétés sans classes » et sans pouvoir politique institué, au-delà de l’autorité généralement informelle et relative d’Anciens respectés ou des responsables de hameaux, aux fonctions très circonscrites : Scott inclue dans cette catégorie des groupes de chasseurs-cueilleurs comme les Agta de Luzon – une des principales îles des Philippines -, tout comme des cultivateurs sur brûlis – comme par exemple les Hanunoo ou les Buid de l’île de Mindoro. Ces populations étaient généralement pacifiques, voire particulièrement non violentes, mais comptaient aussi des groupes belliqueux, tels que les Ilongot de l’Est de Luzon, chez qui les hommes pratiquaient des raids qui étaient l’occasion d’une chasse aux têtes, mais qui ne connaissaient aucun leaders ou strate de guerriers spécialisés et dont les communautés n’avaient ici non plus aucun chefs.
2) Mais ces populations se distinguaient de ce que Scott appelle les « sociétés à élites » dans lesquelles existait une véritable strate de guerriers distingués,au statut spécifique, acquis par leurs prouesses lors des raids qu’ils menaient. Mais ces hommes restaient par contre des cultivateurs comme tous le monde au sein de ces communautés.
3) D’autres sociétés aux populations plus denses se caractérisaient par l’existence de minorités possédantes qui jouissaient de propriétés héréditaires – de territoires, de mines, etc. – entretenant leur statut par des fêtes de prestige – des « petites ploutocraties » (le pouvoir d’une minorité), selon la terminologie de W. H. Scott. C’était le cas chez les Ifugaos vivant dans des villages fortifiés dans les hauteurs de la cordillère de Luzon, cultivateurs sur brûlis et aussi de riz irrigué en terrasse.
4) Enfin, la région connaissait des « principautés »constituées d’une classe dirigeante cette fois-ci détentrice d’un véritable pouvoir politique développé, centralisé et s’appuyant sur une administration. Ces entités entretenaient aussi de petites armées, étaient engagées dans le commerce maritime et fondaient une partie de leur richesse sur l’esclavagisme. C’était le cas chez les Maranao à Mindanao, une des plus importantes populations indigènes des Philippines, islamisée au 16ème siècle, et surtout le cas du Sultanat de Sulu, véritable petit Etat établi sur l’île de Jolo au nord-est de Bornéo, dont les raids esclavagistes réguliers, plus ou moins intenses selon les périodes, décimèrent les populations environnantes pendant plusieurs siècles, les conduisant ainsi à se réfugier dans les hautes-terres à l’intérieur des territoires.
Des sociétés « non stratifiées » et « lâchement structurées ».
Parmi les diverses populations de cultivateurs sur brûlis qui peuplaient ces régions, les premiers observateurs puis la recherche ethnologique ont donc signalé et décrit depuis longtemps l’existence de ces communautés « non stratifiées » – celles du premier type – connues pour la faiblesse ou leur absence de hiérarchies et d’inégalités sociales internes. Mais, autre caractéristique, celles-ci apparaissaient aussi comme très faiblement organisées, « lâchement structurées »(selon une expression de l’ethnologue John Embree pour la Thaïlande), ou « non cristallisées » (Yasushi Kikuchi). Il n’existait en effet aucun « groupes sociaux » constitués à l’intérieur de ces sociétés,aucun « groupes corporés » (« corporate groups », en anglais), comme l’ethnologie les appelle et qui sont une caractéristique de la plupart des sociétés.
Cette dimension de leur vie sociale était encore une caractéristique importante des peuples Palawan dans les années 80, des Semai ou des Temiar en Malaisie ou des Buid et de l’ensemble des groupes appelés « Mangyan », à Mindoro – les Iraya, Batangan, Alangan, Tau-Buhid, etc. Ces caractéristiques se retrouvaient aussi chez divers groupes du nord de Bornéo comme les peuples Dusun et d’autres encore. Ces sociétés ne révèlent en effet aucun type de groupe ayant une existence en continuité, nommé, engendrant droits et obligations, tels que des « clans », « lignages », « sociétés secrètes » ou autres groupes de parenté identifiés, bien définis et nommés, définissant une appartenance. Et plus largement, la composition des hameaux dans lesquels vivaient ces cultivateurs y était très souvent changeante, temporaire, à tel point que l’utilisation du terme même de « société » pour ces populations est parfois remis en cause par les spécialistes de ces groupes culturels.
… « des sociétés égalitaires ».
Parmi ces sociétés de cultivateurs non stratifiées enfin, un certain nombre d’entre elles apparaissait à maints égards aussi comme largement « égalitaires ». C’était le cas non seulement par leur absence de stratification sociale, de division entre riches et pauvres, mais par d’autres caractéristiques encore comme leurs pratiques de redistribution égalitaire des produits cultivés et chassés, ou la forte attention accordée à l’autonomie individuelle, ou encore l’existence de formes de « leadership » (le terme étant lui-même discutable) très faibles. Charles O. Frake écrit ainsi, pour les Subanon (ou Subanun), de l’île de Mindanao :
« La société Subanun ne connaît pas de positions ou de fonctions absolues à l’échelle de la société qui confèrerait automatiquement à leur titulaire le droit à la déférence et à l’autorité sur les autres. L’approximation la plus proche d’une telle fonction formelle est le statut de spécialiste religieux ou de « médium » auquel on s’en remet dans les affaires religieuses mais qui n’a pas de voix spéciale dans les affaires en dehors de son domaine […]. La prise en charge de rôles décisionnels dans les domaines juridique, économique et écologique ne dépend pas de l’acquisition d’une fonction mais de la démonstration continue de sa capacité à prendre des décisions dans le contexte des relations sociales. »
C’est à ces populations-ci auxquelles on s’intéressera principalement dans ce blog, dans une série d’articles qu’on publiera régulièrement. A des sociétés réparties dans les principales îles de l’archipel philippin, comme particulièrement les Buid ou les Hanunoo de l’île de Mindoro, les Teduray et les Subanon de Mindanao ou les Palawan de l’île du même nom. On s’intéressera aussi en Malaisie aux Semai ainsi qu’aux groupes de chasseurs-cueilleurs Batek et Chewong qui partageaient ou partagent encore avec ces cultivateurs diverses caractéristiques communes.
Comme bien d’autres en Asie du Sud-Est, ces peuples sont établis dans des zones forestières et montagneuses difficiles d’accès ou qui l’étaient pendant longtemps et jusque tout récemment, sans voies de communication pérennes autres que des sentiers escarpés impraticables une bonne partie de l’année. Cet isolement géographique leur permettait de se tenir à distance des populations côtières ou des vallées, prédatrices, et dont ces gens rejettent aussi explicitement les valeurs compétitives, dominatrices ou les comportements agressifs. Ces hautes-terres apparaissaient à différents égards comme des zones de « refuge », comme l’a dépeint James C. Scott dans son livre « Zomia » pour l’immense zone montagneuse d’Asie continentale s’étendant du nord-est de l’Inde jusqu’au Vietnam. Leur éloignement des sociétés et des pouvoirs politique établis dans les vallées ou sur les côtes leur a permis de conserver un mode de vie traditionnel et une forte indépendance quasiment tout au long du vingtième siècle et jusque très récemment encore.
Cachées dans la littérature ethnologique ?
Des aspects essentiels de ces sociétés semblent être longtemps restés dans l’ombre. Certains des traits centraux qui les caractérisent et les rapprochent semblent être nettement restés en arrière-plan des analyses et de la littérature ethnologique sur cette région : leur non violence très marquée et profondément intériorisée, les pratiques de redistribution et logiques de partage égalitaires qui y ont cours ou l’importance culturelle accordée à l’autonomie individuelle, qu’a étudié Thomas Gibson dans les années 80. Ou encore, la cohérence et les dynamiques d’ensemble par lesquelles s’entretiennent ces valeurs et pratiques d’autonomie, d’égalité et de coopération, qu’ont mis en évidence ultérieurement Charles Macdonald et Gibson.
« The Semai : a non violent people » de Robert Dentan, édité pour la première fois en 1968, fait exception, qui rend compte de la culture et des valeurs pacifiques des Semai ainsi que de leur égalitarisme en lien avec les différentes dimensions de leur vie sociale, économique ou leur cosmologie, selon des logiques de fonctionnement que l’auteur explicite précisément. Mais la plupart des travaux des années 50 aux années 70 semble avoir porté sur les objets d’étude alors courants, centraux, de cette période, en premier lieu le système de parenté « cognatique » ou « indifférencié » omniprésent dans cette région(sur lequel on reviendra dans d’autres articles). Ou les pratiques de l’agriculture sur brûlis dans cet environnement tropical, ou les pratiques rituelles et les mythes, les langues, etc. Si certaines recherches se penchaient sur des dimensions précises de la vie et l’organisation sociopolitique de ces communautés – comme le type d’autorité ou de « leadership » assez lâches existant ou encore la justice coutumière chez les Teduray, avec Stuart Schlegel – c’était de façon plutôt déconnectée de l’ensemble de leur vie et des valeurs de ces cultivateurs. C. Macdonald, dans son livre de 1971 « Une société simple », s’était consacré surtout à l’étude des statuts et relations de parenté, aux formes d’autorité véhiculées dans ces relations et aux logiques d’installation de regroupement dans les hameaux, qui donnaient une cohésion à ces communautés, au-delà de leur tendance à « l’extrême dispersion ».
Mais les logiques de leurs relations ou de leur culture égalitaires, de ces cultures pacifiques et d’autonomie individuelle – ce qui les entretient, leur cohérence d’ensemble – sont largement restées en arrière-plan. De rares ethnologues s’y sont donc intéressés, comme R. Dentan puis dans les années 80 Thomas Gibson avec l’analyse de la façon dont les Buid de la région d’Ayufai, à Mindoro, évitaient toutes relations de dépendance – de leurs activités de coopération agricole à leur vie matrimoniale, jusque dans leur façon d’interagir et de discuter entre eux … . C’est peut-être surtout des années 90 aux années 2000 que les études sur ces cultures non violentes ont émergé, avec des articles de Gibson, Dentan, Signe Howell (sur les Chewong) ou Clifford Sather (les Sama Dilaut), dans des recueils comme « Societies at peace » (1989), puis plus tard « Keeping the Peace » (2004). Viendront ensuite les livres dans lesquels seront exposés plus précisément ces valeurs et styles de vie : « Wisdom from a rainforest » de Stuart Schlegel en 1998, « Overwhelming terror » de Robert Dentan(2008) ou « The headman was a woman », de Karen et Kirk Endicott(2008, qui se traduit par « Le leader était une femme. L’égalitarisme de genre des Batek de Malasie »).
Le recueil d’articles rassemblés dans « Anarchic solidarities » et paru en 2011 est venu précisément pointer ces valeurs morales égalitaires et ces dimensions politiques conscientes, en se concentrant plus particulièrement sur les sources et les mécanismes des relations de solidarité à l’œuvre dans ces univers sociaux au sein desquels les rapports de coercition semblent inexistants. L’ethnologue Charles Macdonald – un des deux chercheurs à l’origine de cet ouvrage collectif – se consacre quant à lui expressément à ces questions depuis 2011, en pionnier d’une anthropologie anarchiste. Son livre « Anthropologie de l’anarchie », paru en 2016, synthétise ses recherches et est aussi le seul ouvrage en français dans lequel il est possible de trouver un compte rendu étendu de l’une de ces cultures dans ses différentes dimensions, celle des Palawan (à côté d’autres de ses livres et articles portant sur des aspects particuliers de la culture palawan – relations de parenté, résidence, mythologies, cultes, … – et ceux de Nicole Revel).
Elles restent curieusement très peu connues et ne font aujourd’hui encore que peu référence dans la littérature anthropologique et dans la connaissance commune, comme le font par exemple les chasseurs-cueilleurs San ou Hadza lorsqu’il s’agit d’évoquer des sociétés au fonctionnement et aux valeurs égalitaires.
« Egalitaires » ? Quels termes ? Une interrogation aux dimensions multiples.
Une partie des populations de cultivateurs « non stratifiés » des Philippines comme de Bornéo également a été qualifiée aussi « d’égalitaire » sur la base de ces constats selon lesquels il n’y existait pas de pouvoir politique et pas de propriété privée ou de restriction d’accès aux terres pour leur mise en culture. Elles manifestaient ainsi une égalité d’opportunité et ce type agriculture aux rendements assez faibles offrait également peu de possibilité d’accumulation et de constitution de stock, et présentait donc peu de possibilités pour le développement d’une stratification sociale sur une base économique. Pour Bornéo, l’utilisation de ce qualificatif renvoie notamment à une distinction établie précocement par le célèbre ethnologue Edmund Leach entre « sociétés stratifiées » et « sociétés égalitaires » dans son rapport de 1950 sur l’ethnographie de Bornéo. Les disciples de Leach ont réalisé des études restées célèbres sur certaines de ces dernières, comme celles de Derek Freeman sur les communautés Iban de Bornéo et leur « égalitarisme »(1970), en reprenant cette distinction. Mais cette qualification a été contestée car une partie de ces sociétés en apparence « égalitaires », comme les Iban, connaissait aussi des valeurs et des relations de compétition significatives et, malgré tout, des différenciations économiques et de statut entre familles étendues, certaines réussissant à produire et accumuler plus de riz que d’autres certaines années. C’était le cas aussi chez les Gerai à Bornéo, étudiés par Christine Helliwell, chez qui étaient visibles des productivités inégales selon les « groupes de riz » – des famille étendues qui cultivaient ensemble – le surplus ensuite échangé ou vendu permettant la construction de maisons longues, coûteuses, et dont la possession autorisait selon leurs conceptions la tutelle d’un foyer, possession qui induisait des jugements et classements importants.
Par ailleurs, des formes de domination masculine manifestes dans les activités collectives et publiques y étaient aussi présentes, malgré la faible asymétrie sexuelle rencontrée un peu partout dans cette région d’Asie du Sud-Est insulaire.
Ces questions ont alimenté des discussions critiques et des mises au point sur les termes pour relativiser la pertinence de ce qualificatif, et surtout mieux analyser les dynamiques complexes dans lesquelles s’imbriquent formes d’égalitarisme et relations hiérarchiques ou compétitives. On les trouve dans des analyses comme celles de Christine Helliwel au sujet des Gerai, de Kenneth Sillander pour les Bentian de Bornéo ou de Aram Yengoyan questionnant « l’égalitarisme » attribué à l’ethnie Iban au nord de cette même île. Dans d’autres articles, Helliwell a également questionné et déconstruit l’application des notions d’« égalité » ou d’« autonomie », issus des sociétés et de la philosophie européennes, pour mettre en doute l’idée qu’ils aient nécessairement leurs équivalents au sein d’autres univers culturels.
Ces controverses ont permis de faire avancer et d’affiner les réflexions. Les questionnements sur l’égalitarisme, les « inégalités », « la hiérarchie » ou encore « l’autonomie » correspondent à des phénomènes complexes et sont des sujets aux dimensions multiples. Mais l’emploi du terme, « égalitaire », et bien sûr l’intérêt porté à ces mécanismes et à ces dimensions de l’organisation et de la vie des communautés ne peuvent être disqualifiés par des affirmations rapides et générales (sur l’idée d’une « égalité » envisagée comme intégrale et qui bien sûr « n’existe pas »), sur la base de quelques constats superficiels. On risquerait de passer à côté de caractéristiques fondamentales de ces types de formations sociales et de différences importantes entre elles et d’autres univers sociaux. Et c’est à toutes ces questions qu’on s’intéressera aussi au travers d’une suite d’articles.
Il existe bien aussi parmi ces sociétés asiatiques des populations non stratifiées et sans hiérarchie sociale où l’absence et le rejet de la violence sont ancrés dans des pratiques et une sociabilité pacifiques très fortes, des normes et des pratiques de partage et de coopération prononcées, une grande autonomie individuelle. Si des figures d’autorité – chamans, anciens, responsables de hameau – y émergent, leur autorité y est très relative et circonscrite et n’évolue pas vers des formes de pouvoir. Ou si l’inégalité ou l’asymétrie sexuelle n’est pas absente, elle y a cours à des degrés bien plus faibles et circonscrits qu’ailleurs et certains des mécanismes habituels de domination masculine y sont notoirement absents.
Ces traits ou les divers aspects évoqués ne sont pas tous partagés ou répandus au même degré dans ces cultures d’orientation égalitaires et non violentes. Ces sociétés sont différentes les unes des autres. Il existait ainsi une gamme diversifiée, un dégradé ou des combinaisons diverses de ces éléments, en termes d’égalitarisme, ou à l’inverse de formes de leadership émergentes. Si l’on peut et doit interroger le label « égalitaire » les groupes auxquels on s’intéressera dans ce blog au fil d’une série d’articles révèlent un ethos et des mécanismes sociaux étonnamment égalitaires.